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Unité Magistrats FO

Statut de la magistrature : droit dans le mur ?

Flash info 20/02/2015

Statut de la magistrature : droit dans le mur ? - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

Si l’on en croit la presse, la présidente du Syndicat de la magistrature (SM)vient de faire l’objet d’une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement par le juge d’instruction dans le cadre des investigations conduites au sujet du panneau d’affichage dit du « Mur des cons » qui a été l’objet d’une vive polémique au cours de l’année 2013 Selon les informations en notre possession, le ministère public , qui avait requis un non-lieu fondé sur la prescription de l’infraction aurait choisi d’en faire appel. Notre organisation s’est toujours interdit de prendre position dans une procédure en cours et n’entend pas aujourd’hui déroger à cette règle : toute personne à droit à un procès équitable et la présidence du SM n’échappe en aucun cas à cette règle. En revanche, c’est le positionnement de l’administration qui mérite d’être interrogé, car ses décisions sont incompréhensibles pour l’opinion publique.


RAPPEL DES PRINCIPES GENERAUX DU DROIT

Le droit disciplinaire n’est pas le droit pénal et le principe appelé « indépendance des contentieux » implique que l’administration n’est jamais tenue de poursuivre un agent suspecté ,voire convaincu, d’avoir commis des infractions. Le fait qu’aucune poursuite disciplinaire n’ait été engagé est donc tout à fait légal. De même la ministre qui comme chacun le sait « s’interdit de donner des instructions dans des procédures individuelles » en matière pénale, n’est naturellement nullement impliquée dans le choix du ministère public de requérir un non-lieu dans la procédure ouverte devant le juge d’instruction et d’en interjeter ensuite appel. Ce n’est pas tant le droit qui pose question en la matière que l’interprétation retenue par l’administration. Car, vu de l’extérieur, ce qui est perçu est une logique du « deux poids deux mesures » .

QUI TROP EMBRASE MAL ETEINT

Fallait-il que l’affaire dite du « Murs des cons » encombre la juridiction pénale ? Sûrement pas et nous ne pouvons que le regretter. Mais les victimes de l’affichage disposaient-elles d’un autre choix ? La ministre les a clairement renvoyé au choix d’une telle procédure et leur a clairement indiqué qu’aucune suite disciplinaire ne serait donnée à cette affaire. Ce refus d’envisager une demande d’explication, une demande d’inspection, voire une saisine disciplinaire ne serait-ce qu’ afin de crever l’abcès doit par ailleurs être mis en relation avec les positions prises par l’administration dans d’autres procédures disciplinaires récemment jugées.

De jurisprudence constante le CSM a sanctionné les atteintes aux images de l’autorité judiciaire causés par les comportement des magistrats. Le simple soupçon d’être impliqué dans un fait potentiellement délictueux a pu être utilisé pour intenter des procédures et obtenir des interdictions temporaires d’exercer. Le « Receuil des obligations déontologiques » des magistrats, régulièrement brandi par l’actuelle Direction des services judiciaires comme évangile des qualifications disciplinaires possibles devant le CSM mentionne aussi la défense qui est faite aux magistrats de l’ordre judiciaire de porter atteinte à l’image de la justice (sur les 299 décisions mises en ligne le CSM retient 80 exemples d’atteintes à l’« image de la justice », soit plus d’une décision sur quatre). Dernière illustration en date, un magistrat a été condamné sur la base réquisitions de l’administration réclamant une peine disciplinaire ferme pour avoir notamment répondu à deux entretiens dans un journal local, et avoir diffusé aux membres d’une cour d’appel (moins de trente personnes), un tract sur des procédures pénales dont il estimait le traitement inapproprié (CSM S 219, 19 décembre 2014). Le grief d’atteinte à l’image de la justice s’il est établi par une faible couverture médiatique n’aurait-il pas dû donner lieu à des investigations dans le cadre d’un affichage qui a été commenté jusqu’à l’étranger ?


LA REFORME DE LA LOI ORGANIQUE INSTRUMENTALISEE ?

L’administration prévoit de mettre en place une réforme de la loi organique qui vise à permettre de soumettre les procédures disciplinaires au principe général de la prescription délictuelle ( 3 ans après la découverte des faits par l’administration ). Si le principe d’une prescription en matière disciplinaire qui n’en connaît pas ne peut qu’être approuvé, le projet de réforme ne prévoit en revanche aucune avancée pour les magistrats appelés à se défendre devant le CSM. Or actuellement la procédure ne connaît ni droit d’appel, ni règlement des incidents de procédure, ni droit à la contestation des témoignages, ni statut protecteur du magistrat qui en défend un autre pour ne citer que quelques exemples. La procédure disciplinaire est un gruyère qui a plus de trous que de fromage lorsqu’il s’agit de permettre au magistrat de se défendre. Fo-Magistrats a été la seule organisation syndicale à protester contre un projet de réforme qui ne permettait pas d’avancées en la matière alors qu’il s’agit d’un sujet essentiel pour assurer une meilleure indépendance de la justice. Si la procédure disciplinaire n’est pas claire comment protéger les magistrats des risques de « coups fourrés » organisé par le pouvoir exécutif ou toute autre puissance institutionnelle ? Nous avons indiqué à l’administration qu’une telle manière de procéder pouvait être une nouvelle source d’affaiblissement de l’image de la justice. Régler uniquement le problème de la prescription, alors même que c’est sur une possible prescription que les réquisitions de non-lieu dans l’affaire pénale ont été articulés par le ministère public c’est prendre le risque de polariser le débat parlementaire concernant la loi organique autour d’un « dispositif mur des cons ». Pour FO-Magistrats,il n’est pas opportun de structurer un débat portant sur la réforme de la loi organique de cette façon. Cela ne contribue pas à faire progresser les droits de la profession.

LE DROIT AU PROCES EQUITABLE EN QUESTION

Pour notre organisation, la réponse apporté par l’administration ne peut produire que du ressentiment. La procédure pénale doit bien entendu suivre sereinement un cours normal. Mais l’administration doit aussi s’engager pour démontrer que le statut de la magistrature constitue un droit cohérent . Le statut n’a pas pour but de permettre à l’administration d’ évincer à sa convenance les magistrats qui ne l’agréent pas, ou de protéger ceux qui se seraient affichés dans sa proximité, notamment à l’occasion de certaines réunions politiques. Il ne saurait y avoir de réquisitions disciplinaires contre certains magistrats (CSM S219 pré-cité, CSM P077 28 janvier 2014), sans que ces mêmes critères ne soient appliqués à tous. Non pas parce que les magistrats poursuivis dans le passé auraient été au-dessus de toute critique. Mais parce que choix de la fermeté fait par l’administration pour la répression de certains faits qualifiés par elle de fautes disciplinaires ne saurait devenir aléatoire sans transformer son action en une série de décisions arbitraires. L’administration ne peut pas une fois encore donner l’exemple de réactions partisanes sans discréditer totalement la confiance dans l’indépendance de la justice. Il est plus que temps de tourner la page des petits arrangements entre amis, pratiquée sous bon nombre de législatures, si l’on veut éviter qu’une totale défiance envers l’autorité judiciaire ne s’installe. En matière d’indépendance le changement devrait aussi intervenir ici et surtout maintenant...


RAPPEL DES FAITS POUR CEUX QUI VIVAIENT SUR UNE AUTRE PLANETE EN 2013

Fo-Magistrats a toujours eu une position très mesurée dans cette affaire et a même été le seul syndicat de magistrats a avoir appelé au calme lorsque les locaux du SM ont fait l’objet d’une attaque à l’enveloppe piégée . Le « Mur des cons » consistait en une collection de photographies d’hommes politiques, de personnalités de la société civile, ainsi que d’ayant-droits de victimes d’assassinats tous punaisés dans les locaux du Syndicat de la magistrature sous le titre de « Mur des cons ». L’affichage a été rendu public en avril 2013 à la suite d’une visite du journaliste François Weill-Raynal dans ces locaux et diffusé en premier lieu par le site d’information en ligne « l’Atlantico ». Une importante polémique s’en est suivie. La ministre consultait alors le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sur la suite à donner à cet événement. Le CSM répondait qu’il ne pouvait émettre un avis. La ministre interpellée au Parlement répondait à ceux qui réclamaient une enquête, que les personnes qui estimaient que leurs droits étaient atteints par cet affichage pouvaient saisir la justice, ce qu’elles firent.

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