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Unité Magistrats FO

Magistrature : le statut de la liberté ?

Flash info 20/03/2015

Magistrature : le statut de la liberté ? - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

Pour la deuxième fois en moins d’un an le Conseil d’Etat vient de rejeter une demande de pourvoi déposée par un magistrat du siège contre une décision du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) statuant en matière disciplinaire. Les moyens développés par le magistrat portaient notamment sur les conditions dans lesquelles s’était déroulée l’audience disciplinaire, c’est à dire la dernière phase de la procédure. En ne permettant pas l’examen des moyens relatifs à une phase de la procédure dont le magistrat ne pouvait se plaindre auparavant le Conseil d’Etat porte directement atteinte au droit pour le magistrat à bénéficier d’un procès équitable puisque ces irrégularités, de nature à vicier la décision disciplinaire ne peuvent faire l’objet d’aucune critique devant aucune instance. Bien loin des décisions qui ont permis de soumettre les procédures disciplinaires aux principes protecteurs du procès civil au sens ou l’entend la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) ces décisions posent le problème de la conformité du système disciplinaire applicable aux magistrats français avec les principes fondamentaux du droit. Les procédures disciplinaires applicables aux membres des juridictions influencent en effet directement l’indépendance dont peuvent jouir les juridictions. A l’heure ou d’autres se préoccupent de sujets sans intérêts pour la profession, FO- Magistrats est le seul à revendiquer un rééquilibrage de la procédure disciplinaire et du statut de la magistrature.

RAPPEL DES PRINCIPES GENERAUX DU NON- DROIT DISCIPLINAIRE

Le CSM dans sa formation disciplinaire est qualifié de juridiction administrative par le Conseil d’Etat. Dans cette classification le CSM est assimilable à une juridiction administrative spécialisée (« JAS »). Celle-ci ne connaît ni appel, ni limitation d’objet de la saisine, ni prescription de l’action, ni statut du défenseur, ni procédure de règlement des incidents, ni obligation de réponse aux arguments développés oralement, alors même que la phase d’interrogatoire devant la formation de jugement est clairement orale. Il n’existe aucune étanchéité entre la formation chargée d’examiner les mutations et celle qui gère l’instance disciplinaire, ce qui implique qu’un magistrat poursuivi mais non condamné peut voir sa carrière bloquée durant plusieurs mois voire plusieurs années. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à Renaud Van Ruymbeke. Ce qui revient à dire que la présomption d’innocence n’existe pas en matière disciplinaire. S’agissant des magistrats du ministère public, qui ne bénéficient pas de l’inamovibilité des magistrats du siège, l’administration s’est reconnu le droit de les muter sans les poursuivre et sans leur permettre d’accéder à leur dossier avant de prendre une telle mesure. Cette tendance à se passer de la procédure disciplinaire est assez révélatrice de l’actuel fonctionnement de l’administration comme on y reviendra plus loin. La défense n’a que le droit au respect du contradictoire, mais celui-ci n’est encadré par aucun texte publié par l’administration, ni aucune publication à portée générale du CSM tel qu’un règlement intérieur et la réponse procédurale que le CSM entend donner à un incident de procédure peut varier à tout moment entre un refus de répondre avant l’audience examinant l’affaire au fond (c’est à dire après la tenue des débats puisque la juridiction examine le plus souvent les incidents avec le fond), ou bien une audience préliminaire. Le maintien de tels principes dans un tribunal de plein exercice renvoie aux périodes les moins glorieuses du fonctionnement des juridictions nationales (Guerre d’Algérie, occupation, collaboration, réaction versaillaise, Terreur, etc).

L’ADMINISTRATION SOUTIENT OUVERTEMENT CES DISPOSITIONS ARBITRAIRES

Alors que l’administration plaide pour une politique pénale axée sur l’accompagnement de la personne du délinquant, force est de constater qu’il ne fait pas le choix des mêmes principes en matière disciplinaire.La Direction des services judiciaires lors des différentes commissions permanentes d’études a choisi de ne pas s’engager à porter une réforme qui puisse garantir le droit à un procès équitable aux magistrats. Le Directeur des services judiciaires a clairement répondu à nos représentants que l’arbitrage était fait et qu’il n’y avait pas matière à y revenir. Dont acte. En un sens l’actuelle administration qui a choisi d’intervenir directement dans le choix de magistrats du ministère public à certains postes (notamment en essayant d’évincer le procureur général de Paris), mais aussi des magistrats du siège (en rencontrant des magistrats du siège appelés à siéger dans la juridiction inter-régionale spécialisée de Marseille) affiche clairement la couleur : la protection que le statut de la magistrature devrait offrir à tous les magistrats et pas seulement à ceux estimés par elle ne fait pas partie de ses priorités.

Nos amis les chefs

De manière encore plus préoccupante, l’administration a clairement choisi de protéger la haute hiérarchie judiciaire et de laisser les magistrats qui n’en sont pas membres à leur triste sort. Ainsi, lors de la dernière commission permanente d’études la DSJ a-t-elle présenté un texte qui ne comportait plus le principe d’une évaluation pour les chefs de cours, comme elle l’avait jusqu’à présent préconisé. L’évaluation qui est une disposition prévue par le statut de la magistrature pour les magistrats « de base » sera remplacée pour « les meilleurs d’entre nous », par une « auto-évaluation », c’est à dire une description de ses activités par le chef de cour, à l’occasion de son entrée en fonction et tous les deux ans. Ce choix de ne porter aucun regard sur les pouvoirs propres des chefs de cour est pour le moins surprenant du point de vue logique. Si l’on ne peut que soutenir le principe selon lequel on n’évalue pas un magistrat, en particulier un magistrat du siège, sur le contenu de ses décisions juridictionnelles, un chef de cour, dont l’activité juridictionnelle est par nature réduite par rapport à un autre magistrat exerce pour l’essentiel de son activité des compétences de gestion administrative. Il n’y a donc aucune raison que sur ces fonctions là, il ne puisse être évalué et en rendre compte. Mais même si l’on admet à l’inverse que cette fonction ne peut faire l’objet d’une évaluation, car l’évaluation serait contraire à l’indépendance, alors pourquoi faut-il la maintenir pour les autres magistrats ? Non contente de choisir ses amis l’administration contribue à valoriser l’existence d’un statut de la magistrature à deux vitesses, ou comme le dirait un ancien magistrat, à mettre en place « une morale pour les aigles et une autre pour les pigeons ». L’administration semble donc souhaiter que la majorité du corps se mette à roucouler.

Retour en 2007 (ou presque)

Avec d’autres postulats que ceux mis en oeuvre lors de la législature précédente, et les attaques individuelles en moins, force est de constater que la situation statutaire faite aux magistrats de l’ordre judiciaire n’a en fait pas beaucoup évolué et s’est même aggravée. De même que selon la maxime fameuse, la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires, l’indépendance de la justice est une chose trop importante pour la fonder sur des mécanismes à même de protéger les magistrats des pressions qu’ils peuvent subir.

LE CSM DONNE DANS LE PANNEAU

Le CSM vient de son côté d’être renouvelé. Avant de quitter leurs fonctions les membres de la précédente mandature ont eu à cœur de publier un rapport et de rendre une décision assez stupéfiante. Dans son dernier rapport le CSM a annoncé la mise en place, sur son budget d’une structure composée d’anciens de ses membres, choisis par lui pour constituer un « collège consultatif de la déontologie dans la magistrature ». Or, d’une part, cette structure n’est prévue par aucun texte et n’existe juridiquement pas et les organisations syndicales n’ont à aucun moment été consultées sur une telle mise en oeuvre. D’autre part, le CSM prévoit de la financer sur son budget alors même qu’il refuse d’indemniser les magistrats qui participent aux frais de la défense d’un autre , au motif que cela n’est prévu par aucun texte. A l’instar de l’administration la précédente composition du CSM a donc achevé son mandat sur un choix qui relève clairement ses priorités : s’occuper de ce qui n’est pas prévu et ne pas faire progresser l’essentiel.Enfin, cerise sur le gâteau, le CSM a prononcé contre un conseiller de cour d’appel une peine de rétrogradation sans mutation. Or une telle peine a toutes les chances (si le pourvoi du magistrat est admis) d’être déclarée illégale, dans la mesure ou les décrets qui fixent la composition des cours d’appels exige que leurs membres soient du premier grade. Mais un déplacement de magistrat du siège est impossible sans son accord. Donc la peine ne peut pas être exécutée. Au bout de quatre ans de participation aux fonctions de la juridiction disciplinaire on ne peut qu’être consterné par un tel manque de connaissance du statut de la magistrature et l’on ne peut qu’appeler la nouvelle formation à se démarquer de la précédente.

FO-MAGISTRATS APPELLE A UNE VRAIE REFORME PROTECTRICE DES DROITS FONDAMENTAUX DES MAGISTRATS

Quoi qu’on pense de l’actuelle administration, elle reste la seule à pouvoir conduire avant la fin du quinquennat une réforme essentielle pour les magistrats, le rééquilibrage du statut de la magistrature au profit des droits de la défense et des magistrats de base. Si celle-ci ne s’en donne pas les moyens, la profession peut redouter le pire pour l’avenir.

Fo-Magistrats revendique : – L’organisation d’une voie d’appel des décisions du CSM – Un réel statut du magistrat défenseur, – Une procédure disciplinaire équilibrée à même de permettre la gestion des incidents – Des règles de prescription plus claires que celles actuellement prévues – De meilleures garanties d’encadrement des procédures d’interdiction temporaire d’exercer que celles actuellement proposées par l’administration – La rédaction d’un règlement intérieur du CSM rendu public Avant de savoir qui gère le disciplinaire, il conviendrait de savoir comment on gère le disciplinaire.


Informations diverses


Le point de vue de FO sur la chasse aux « Gaspis »

Nous parlons ici d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître : une publicité invitait les Français au lendemain du « choc pétrolier » à « chasser les gaspis » autrement dit réduire les frais inutiles. Si l’on en croit une lettre adressée au ministre par une autre organisation syndicale, le ministère s’est parait-il engagé (enfin ?) dans cette voie en recrutant un ancien cadre d’une entrepris publique pour diminuer les frais. A ce stade nous ne pouvons qu’approuver une telle démarche, si tant est que les conditions de ce recrutement soient régulières, bien entendu. Nous ne pouvons que soutenir la réduction de la dépense publique inutile en matière judiciaire, car la dépense inutile tue la dépense utile et les juridictions font régulièrement les frais (si l’on peut dire) de réductions budgétaires. Encore faut-il savoir ce que l’on met derrière les mots. Pour notre organisation la question de la dépense judiciaire doit être appréciée de manière rationnelle. Est rationnelle en matière judiciaire la dépense qui permet aux juridictions d’être indépendantes et de fonctionner. Ainsi, nous ne revendiquons pas d’être « impliqué » dans le choix de la dépense, mais nous revendiquons d’être entendus, lorsque l’on nous signale par exemple, que le papier choisit pour alimenter les imprimantes et les photocopieuses produit des bourrages tant sa qualité est mauvaise et que nous revendiquons qu’il soit changé. Dans le choix d’un expert par un magistrat nous ne sommes pas opposés à ce que ses prestations puissent être évaluées si elles dépassent un certain plafond, mais nous demandons surtout à ce qu’elles soient rapidement payées en particulier si l’expert choisit est une personne physique. La rapidité du payement de la dépense est une garantie d’une évaluation de la dépense conforme au fonctionnement des juridictions. En revanche nous continuons à dénoncer l’idée selon laquelle si les prestations ne sont pas réglées ce serait la faute des agents chargés de le faire. Si la rationalité de la dépense doit être recherchée, les juridictions ne sont en rien responsables des budgets insuffisants qui leur sont allouées pour fonctionner. Et à la différence d’autres syndicats nous avons déjà fait des propositions concrètes d’économies en proposant de supprimer les frais de déplacement inutiles des grands électeurs lors du renouvellement de la commission d’avancement et du CSM. C’est une manière que nous trouvons plus cohérente d’être « impliqués ». Réduire les dépenses, pourquoi pas, mais il faudrait être cohérent dans les choix de gestion.

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