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Unité Magistrats FO

Inconséquences sans conséquences

Flash info 20/04/2015

Inconséquences sans conséquences - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

Les nouveaux visages du pouvoir disciplinaire

Fo-Magistrats revendique la suppression du pouvoir de délivrer des avertissements et une refonte complète des garanties permettant aux magistrats de l’ordre judiciaire de se défendre. Plusieurs décisions récentes viennent d’annuler des sanctions ou appréciations illégales. La position de certains de ces auteurs de décisions inappropriées a été renforcée par des mutations sur des postes plus prestigieux. En revanche, la situation d’affaiblissement des magistrats blâmés illégalement, qui ont par leur action contribué à faire respecter le statut de la magistrature et à protéger l’indépendance des tribunaux, n’a nullement été prise en compte par l’administration. L’existence de faits de harcèlement articulés sur la mise en œuvre de poursuites disciplinaires illégales n’est par exemple jamais posée, alors que la promulgation de sanctions illégales peut conforter les abus de pouvoir que peuvent développer des personnalités présentant des troubles pathologiques. Il est donc plus qu’urgent de rétablir un minimum d’équilibre en la matière.

DERIVES DISCIPLINAIRES, PRINTEMPS-ETE 2015

La loyauté et la liberté d’expression des parquetiers incriminées.

Deux arrêts du Conseil d’Etat ont annulé des décisions d’avertissement prises par des procureurs généraux dans des ressorts ultramarins (CE 27 mars 2015). Au centre des griefs figuraient chaque fois l’obligation de rendre compte de l’information à l’autorité hiérarchique, mais aussi une remise en cause de la liberté d’expression de ces magistrats. Le Conseil d’Etat s’est livré, selon son habitude à un examen concret de ces situations afin de démontrer l’absence de fondement aux griefs invoqués. S’agissant du manquement au devoir de loyauté soutenu contre eux, le Conseil d’Etat a, dans les deux cas, retenu que la hiérarchie avait été régulièrement informée et les droits autres personnes respectés. S’agissant de la liberté d’expression le Conseil d’Etat a aussi annulé les griefs. Dans le premier cas, le magistrat avait choisi d’adresser à l’administration des états de frais manifestement faux. Ceux-ci portaient réclamation de la somme d’un euro. Le réclamant entendait protester contre le traitement réservé localement à des demandes de remboursement. Le Conseil d’Etat a considéré que les autres griefs étant annulés, celui-ci ne pouvait servir à justifier une sanction. Dans le second cas, le Conseil d’Etat a repris le même raisonnement pour considérer que des déclarations prêtés à un procureur à l’occasion d’une audience solennelle ne pouvaient fonder un grief. Notons au passage que le procureur dont l’action était contestée n’était autre que celui de Saint Denis de la Réunion. La juridiction administrative a considéré que les faits d’action inappropriée au sein des services qui avaient motivé un avertissement n’étaient pas uniquement imputables à l’intéressé. A méditer.

Avertissement : apparition d’ « ODNI » (Objet Disciplinaire Non Identifié) signalée

Récemment un chef de cour a été saisi d’une demande visant à voir sanctionner un juge qui présidait une audience correctionnelle collégiale qui avait prononcé une peine illégale (par la suite frappée d’appel), et dont le greffe avait rectifié de sa propre initiative une note d’audience en la passant au « blanco ». Le chef de cour n’a rien trouvé de mieux que de rendre une ordonnance contre le seul président du tribunal correctionnel, enregistrée dans les minutes du greffe de la cour mais non versée au dossier du magistrat, prononçant contre le seul président une « mise en garde solennelle ». Bilan de cette innovation : une sanction non prévue par le statut, qui fait du magistrat une partie à une procédure (!) et dont l’inscription dans les minutes peut justifier une communication à des tiers (ce qui serait impossible dans le cadre d’un avertissement « classique »). L’apparition de cet « objet disciplinaire non identifié » (ODNI), se double de vraies questions de fond. Ainsi, est-il possible de soulever notamment l’engagement de la responsabilité individuelle lorsque la décision est rendue par plusieurs magistrats, les pouvoirs propres et le rôle des greffes, le respect des droits fondamentaux et du statut de la magistrature. Cela sans évoquer de la détermination des voies de recours contre cette décision : juridictions administratives, CSM (après tout le magistrat serait en droit de se plaindre d’une ordonnance de la cour d’appel), CEDH ?

Expérience paranormale, les rapports fantômes

Plusieurs magistrats nous ont par ailleurs confirmé que l’administration avait visé dans son argumentation à l’appui de sanctions disciplinaires des rapports relatifs à leur comportement qui n’avaient pas été versés dans leur dossier individuel « officiel ». Ce que l’on est d’autant plus porté à croire lorsque l’on se souvient que dans un grand tribunal de la région parisienne, les collègues avaient découvert effarés que les chefs de juridiction avaient établi des rapports peu amènes sur l’état des services que seul un incident avait permis de porter à leur connaissance (la fameuse « gaffe judiciaire » de Créteil, en mars 2011), pour ne citer qu’un seul exemple.

Evaluations, la poupée Vaudou ?

La Commission d’avancement a annulé la notation d’un juge d’instruction que nous soutenions, établie sur la base du point de vue du président de la cour d’appel, et de celui du président de la chambre de l’instruction et du président du tribunal de grande instance. Rappelons que la loi organique prévoit le recours obligatoire à d’autres évaluateurs (présidents de la cour d’assises et de la chambre des appels correctionnels, pour ne citer que deux exemples). L’auteur de cette évaluation tronquée avait répondu à un de nos responsables syndicaux qui l’avait interrogé sur le recours à de tels procédés qu’il n’appliquait pas les circulaires relatives aux évaluations, car il ne les lisait pas (!). Il a par la suite été appelé à présider une cour d’appel comptant un plus grand nombre d’agents.

Mais fais donc taire ta femme !

Ailleurs, un collègue a eu des différends avec un président de tribunal de grande instance. Son épouse, avocat dans la même ville a été convoquée par son bâtonnier à l’initiative dudit président, afin qu’elle cesse de soutenir ostensiblement son conjoint au sein de la juridiction. Si le collègue (anéanti par une telle démarche) avait été en situation de réagir, la question de la protection de son conjoint au titre de l’article 11 du statut de la magistrature – texte qui permet de protéger les magistrats victimes de pressions, mais aussi leurs proches – aurait mérité d’être posée.

SI LE CSM REFUSE DE CAUTIONNER LE PIRE, L’ ADMINISTRATION SEMBLE PRETE A TOUT

La seule bonne nouvelle disciplinaire du printemps est à mettre au crédit de la nouvelle formation du Conseil supérieur de la magistrature. Au mois de décembre dernier l’ancienne formation avait rétrogradé sans le muter un conseiller de cour d’appel. Nous avions alors signalé que cette peine ne pouvait être exécutée car elle était illégale et contraire au principe fondamental qui veut que l’on ne puisse pas déplacer un juge sans son consentement ou sans une décision disciplinaire. L’avenir nous a donné une nouvelle fois raison. La Direction des services judiciaires a présenté une demande de mutation visant à nommer le conseiller au poste de juge « placé » du deuxième grade au sein des effectifs de sa cour d’appel. Le CSM a refusé de valider la nomination. Nous ne pouvons qu’approuver cette volonté du CSM de garantir enfin l’application des principes fondamentaux du droit aux magistrats et rester accablés par l’action de l’administration qui a tenté de faire exécuter une sanction manifestement inapplicable.

UN MAGISTRAT AVERTI VAUT-IL ENCORE QUELQUE CHOSE ?

La décision du CSM, si satisfaisante qu’elle puisse être, reste cependant un arbre qui cache la forêt. En l’occurrence la forêt de la totale absence des conséquences attachées aux violations du droit à la carrière des magistrats lorsque ceux-ci sont sanctionnés illégalement. Les mises en causes illégitimes de magistrats peuvent donner lieu à des engagements de la responsabilité de l’Etat. Outre les frais de procédure ( 3 000 € en moyenne pour une annulation d’avertissement par le Conseil d’Etat), l’Etat peut être amené à payer les traitements des collègues suspendus ou rétrogradés illégalement. La plus fameuse illustration en la matière reste la condamnation qu’a obtenue Daniel Stilinovic en raison du blocage de son avancement (plus de 120 000 € au total). Mais une telle décision est exceptionnelle. En revanche, jamais aucun chef de cour qui a infligé des sanctions illégales à un magistrat placé sous son autorité, ou saisi le CSM d’une demande de sanction que l’administration n’a pas soutenue n’a été sanctionné. Aucun chef de cour, n’a depuis des années, fait l’objet même d’une simple demande d’explication rendue publique par l’administration, ni d’une interrogation par le CSM. Or même un « simple » avertissement est loin d’être une décision sans conséquence dans la mesure ou il peut justifier un refus de présentation au tableau d’avancement, un refus de mutation ou de détachement, une diminution notable de la prime modulable, une baisse de l’évaluation, voire un blocage de la carrière. De même une saisine de la juridiction disciplinaire, même pour un magistrat théoriquement présumé innocent et finalement renvoyé des fins des poursuites, peut produire un blocage. La situation réservée au juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke, maintenu cinq ans de plus dans ses fonctions sans possibilité d’avancement après une saisine du CSM qui n’a donné lieu à aucune demande de sanctions, l’a démontré. Comment donc les magistrats qui peuvent être victimes de manœuvres, de harcèlement moral, de pressions peuvent-ils y résister dans de telles conditions ?

UNE VERITABLE LOGIQUE DE CASTE

Du point de vue pratique une telle absence de demande d’explications en cas d’abus de pouvoir est déjà désastreuse : c’est un bonus donné à la nocivité. Du point de vue théorique, on ne peut que constater que tout le système disciplinaire vise à éviter que l’exercice abusif du pouvoir de nuire à un magistrat fasse l’objet d’un examen. Ainsi pour ne prendre qu’ un exemple, lorsqu’un magistrat entend contester une décision qu’il estime infondée devant les juridictions administratives, ce n’est pas le chef de cour qui est appelé à répondre de ses décisions, mais bien le ministre en tant que représentant de l’administration. Autrement dit, le litige administratif oppose non pas deux magistrats entre eux, mais un magistrat et une administration centrale qui répond et soutient la position d’un de ses subordonnés contre un autre. D’où il résulte un évident déséquilibre, ne serait-ce que dans le principe du respect du droit à l’égalité des armes. Et rien n’est fait pour que cesse ce déséquilibre. A ce titre, l’administration qui un temps a proposé que les chefs de cours soient évalués par les chefs de la Cour de cassation (dont ils sont statutairement membres depuis plusieurs années), est actuellement en train de proposer que cela ne soit plus le cas mais que ces derniers « s’auto-évaluent ». Pour notre organisation, ce recul est tout à fait contre-indiqué au vu des dérives que connaît actuellement l’exercice du pouvoir disciplinaire et infra-disciplinaire. C’est au contraire une logique de responsabilisation des autorités hiérarchiques qu’il convient de mettre en place au plus vite, afin d’éviter que les magistrats n’adoptent en la matière des comportements de défense, voire de défiance généralisés. Alors que l’autorité judiciaire traverse de graves crises, il importe en interne de rétablir la confiance dans le fonctionnement des services au lieu d’engendrer de la méfiance structurelle.

UN PROBLEME DE SYSTEME PAS SEULEMENT UN PROBLEME DE PERSONNES

Si notre organisation n’a pas choisi de citer les responsables impliqués dans les faits exposés c’est parce qu’il ne saurait être question, comme le font d’autres organisations, de leur faire des procès en sorcellerie . Mais surtout, leurs prises de positions traduisent avant tout un véritable problème systémique dont la résolution incombe en premier lieu à l’administration. C’est à elle de prendre les mesures appropriées. Aujourd’hui, elle ne le fait pas. Notre rôle d’organisation syndicale consiste à faire apparaître ces problématiques à assister les magistrats qui en sont victimes et à revendiquer les moyens d’y faire face. Il ne consiste pas à dévoyer la liberté syndicale en co-gérant les services ou à incriminant X, Y ou Z.


RETOUR SUR LA QUESTION DES SUICIDES ET DU HARCELEMENT MORAL

Notre expérience nous a cependant permis de considérer une chose : l’évolution que nous réclamons devra être conduite contre l’inertie naturelle de l’administration et le changement de culture que nous revendiquons nécessitera une véritable bataille rangée contre l’immobilisme doucereux des vieilles habitudes. A titre d’exemple nous pouvons citer l’affaire dite « Tran Van ». Ce juge d’instruction s’est suicidé il y a maintenant près de cinq ans. Il a laissé une lettre qui a clairement incriminé la manière dont il avait été traité par l’administration dans la dernière partie de sa vie professionnelle. La divulgation de l’état d’abandon de la famille de ce collègue a été une première bataille que notre syndicat a livré tout seul et qui a permis de faire émerger la question de la souffrance au travail au sein des tribunaux. Notre organisation a obtenu la diffusion d’une circulaire de prise en charge particulièrement protectrice des agents de la Direction des services judiciaires. La revendication d’une inspection a été la seconde. L’analyse du rapport, finalement communiqué à la famille suite à l’action de notre organisation, a été la troisième. Or le rapport remis au ministre de l’époque, qui fait mention de l’audition de plus d’une cinquantaine de personnes, ne relate concrètement le contenu d’ aucune des auditions auxquelles il a été procédé. Il est donc impossible pour la famille, mais aussi pour l’administration de conclure quoi que ce soit de sérieux à partir d’un tel document. L’accablement gagne lorsque l’on songe aux familles des trois autres magistrats qui ont par la suite mis fin à leurs jours à Nanterre et à Versailles. Si les circonstances de l’affaire Tran Van avaient été mieux étudiées, peut-être les prises en charge des collègues fragilisées auraient-elles été meilleures. Ou peut-être pas. Mais l’administration ne s’est clairement pas donné les moyens d’éviter que la question ne soit posée . Et il s’agit là un manquement grave aux principes qui doivent conduire son action. Derrière les problématiques d’équilibre du statut de la magistrature et de sa mise en œuvre, ce ne sont pas que des indices de rémunération ou des affectations qui sont en jeu, mais bien des vies humaines. Le système actuel ne permet absolument pas une prévention efficace des actes suicidaires puisqu’il n’autorise aucune appréciation concrète sur l’action de la hiérarchie. Or celle-ci, même animée des meilleures intentions, peut commettre à son corps défendant de véritables ravages tant les habitudes de part et d’autre de la chaîne hiérarchique peuvent être différentes. Mais surtout, il est parfaitement naïf de penser qu’une magistrature de 7 500 membres serait exempte d’éléments présentant des traits de personnalité pervers, psychorigides, voire portés à l’obsession sexuelle. Il suffit de lire les décisions rendues par le CSM pour constater que certains magistrats, y compris d’un rang hiérarchique élevé, ont été condamnés pour détention d’images pédo-pornographiques, fréquentation de ce qu’il faut bien appeler des bordels, harcèlement sexuel, détournements de fond, conduite avinée, etc. Or, si la magistrature ne s’empare pas de la question de la gestion de ces personnalités, d’autres la traiteront pour elle, autrement dit contre elle.

FO-MAGISTRATS VEUT EN FINIR AVEC LA CULTURE DE LA SOUMISSION ET REVENDIQUE :

  • La suppression de l’avertissement sous sa forme actuelle
  • L’organisation d’un droit d’appel devant le CSM de toutes les décisions relatives à la carrière des magistrats en matière disciplinaire, infra-disciplinaire et de nomination
  • La réforme de la procédure disciplinaire devant le CSM et la mise en place d’une procédure équilibrée
  • La réforme de la composition du CSM et sa fusion avec la Commission d’avancement

 

INFORMATIONS RAPIDES

Gilles Le Chatelier, directeur de cabinet du ministre quitte son poste

Le directeur de cabinet a quitté son poste le 16 avril 2015 après la tenue des débats à l’Assemblée Nationale sur la loi sur le renseignement.

Tribunal de grande instance de Niort, le CSM saisi

La Garde des sceaux a pris la décision de saisir le Conseil supérieur de la magistrature afin de voir examiner la responsabilité disciplinaire d’un magistrat de cette juridiction avec laquelle les personnels du greffe ne souhaitaient plus travailler.

Commissions de réforme, appel à candidatures

Fo-Magistrats soutiendra les candidatures de collègues qui souhaitent intégrer les commissions de réforme. Moins connues que les comités d’hygiène et sécurité ces instances ont pour objet d’examiner la situation de santé de magistrats qui ne peuvent plus exercer leur activité normalement. Elles ont donc un rôle très important. Lors de la dernière élection FO-Magistrats a été la seule organisation à faire campagne autour de ce scrutin et a obtenu la majorité des sièges dans de nombreux ressorts et notamment à Paris. Tous les magistrats qui souhaitent voir leur candidature soutenue peuvent prendre attache par courriel avec le syndicat (synd-fo-magistrats@justice.fr).

In memoriam

Nous apprenons le décès de Luc Waultier président de chambre à la Cour d’appel de Dijon. Nous avons une pensée pour ses proches et ses collègues.

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