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Unité Magistrats FO

FO Magistrats, 25 ans de syndicalisme

Flash info 03/11/2015

FO Magistrats, 25 ans de syndicalisme - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

Le Syndicat national des magistrats Force Ouvrière fêtera ses 25 ans en novembre 2015. A l’occasion de cet anniversaire le Syndicat organisera un colloque « Cris et chuchotements, la justice est-elle sous influence ? » au Conseil économique social et environnemental le 27 novembre prochain à Paris . En plus de cet événement notre organisation rappelle ce que ses combats ont apporté au corps judiciaire à l’occasion de trois numéros spéciaux relatifs à la prévention du suicide, à la défense des intérêts des magistrats, ainsi qu’à l’impact des innovation technologiques.

LA PREVENTION DU SUICIDE ET L’ACTION DE FO-MAGISTRATS

Récemment relancée par le décès d’un magistrat à Fort de France, et un autre survenu aujourd’hui à Bobigny, la question des suicides au sein de la magistrature et plus largement les problématiques de souffrance au travail ont émergé à la suite de l’action pionnière de notre organisation. Retour sur quelques dates majeures qui ont permis de faire tomber un tabou.

— 2005 : rencontre avec le Professeur Dejours spécialiste des pathologies du travail,

En 2005 Fo-Magistrats a pour la première fois diffusé les analyses de Christophe Dejours, professeur au Conservatoire des Arts et Métiers, sur les nouvelles méthodes de gestion du corps judiciaire et ses conséquences sur la santé et la sécurité des personnels.

En 2004, le syndicat avait déjà pointé les risques encourus en raison du recours à la prime modulable et à la nouvelle méthode de gestion des juridictions par la « LOLF » (loi organique relative aux lois de finances), qui a été le prélude à la RGPP (révision générale des politiques publiques), puis à la « MAP »modernisation de l’action publique) . Par la suite le Professeur Dejours présentera à nouveau ses analyses devant notre organisation à l’occasion de colloques tenus en 2009, la gouvernance sans droit , 2011, chroniques de morts annoncées, et 2012, La justice doit-elle être rentable ? La guerre des chiffres est déclarée !

Les principaux axes développés sont les suivants :

  • le travail implique l’individu bien au-delà de son intervention « réelle » dans la sphère professionnelle. L’intervention de l’individu dans le travail doit être coordonnée, car le travail doit être organisé pour parvenir à un résultat socialement acceptable. Mais les ressources que les humains investissent dans le travail ne correspondent pas qu’à leur force de travail. Ils investissent également des ressources cognitives, affectives, il gèrent des relations inter-personnelles qui les valorisent dans leur pratique professionnelle. Le travail correspond à un savoir-faire spécifique qui contribue largement à définir la place sociale de l’individu et son utilité réelle ou symbolique pour la société. C’est un point d’ancrage personnel important.
  • les nouvelles méthodes de management ont ceci de particulier qu’elles mettent les personnes en situation d’être dévalorisées dans l’exercice quotidien de leur profession. Ce qui est évalué ce n’est pas le travail, mais le résultat du travail et cela sur des bases qui ne prennent pas en compte l’intégralité de l’investissement individuel que cela représente. La production est analysée sur une base purement comptable et est en fait reliée à la gestion de flux et non plus sur la base d’une production individuelle. Il en résulte une dévalorisation personnelle.
  • le cadre de travail et la relation de travail sont donc appauvris, banalisés au sens ou l’entendait la philosophe Hanna Arendt. Dès lors, l’individu qui n’est plus valorisé à la hauteur de son investissement professionnel développe des pathologies du travail.
  • 2008 : premier hommage à la mémoire d’un auditeur de justice Le premier hommage que nous avons été amenés à rendre concernait un auditeur de justice qui avait mis fin à ses jours après son exclusion de l’ENM. Nous avions à l’époque dénoncé le manque total d’empathie de l’administration à l’égard de la famille et de la mémoire de Gabriel Mimran.
  • 2010 : retour sur l’affaire dite Tran Van Mais c’est en octobre 2010, il y a désormais cinq ans que nous avons posé publiquement pour la première fois la question de la prévention des suicides dans la magistrature et revendiqué la nécessité d’une politique efficace de prévention. En septembre 2010 Philippe Tran Van, juge d’instruction du tribunal de grande instance de Pontoise mettait fin à ses jours en gare d’Herblay. Il avait laissé à destination de ses proches une correspondance particulièrement explicite reliant son passage à l’acte avec la manière dont l’administration s’était comportée à son égard. Ce magistrat subissait un épisode dépressif, lié à une charge de travail trop importante, dont la hiérarchie était informée. En dépit de plusieurs tentatives de suicide sur son le lieu de travail, ce magistrat avait fait l’objet d’un rapport incriminant sa « loyauté » à l’égard de l’administration. Nous avons été le seul syndicat à rendre hommage à sa mémoire, alors même qu’il n’était pas adhérent de notre organisation . Ensuite, en accord avec la famille, nous avons exigé des investigations et la mise en place d’une politique de prévention. Appuyé par la Confédération Force Ouvrière, Michel Mercier, Garde des sceaux à l’époque nous assurait de l’organisation d’une inspection. Alors que nous étions à l’origine de ces demandes, le ministre trouvait opportun de communiquer cette annonce lors du congrès d’un autre syndicat. Le rapport d’inspection remis au seul ministre n’était pas communiqué à la famille. C’est au bout de nombreuses actions soutenues uniquement par notre syndicat que la famille eu accès à ce rapport au bout de quatre ans. La lecture s’en avérait particulièrement décevante dans la mesure ou il n’en ressortait aucune analyse globale des causes du passage à l’acte. En 2013 l’administration trouvait inopportun d’accéder à la demande conjointe de notre syndicat et de la famille visant à déposer une gerbe devant la façade du ministère de la justice (ou ce magistrat avait été affecté) et de se réunir en petit comité à l’occasion de l’anniversaire de sa mort. Par la suite, trois autres collègues mettaient fin à leurs jours successivement dans le ressort de la Cour d’appel de Versailles.

Notre interrogation récurrente est la suivante : Si les investigations dans « l’affaire Tran Van » avaient été mieux conduites, aurait-il été possible de prévenir les autres suicides ?

  • 2015 : Les suites de l’affaire Tran Van Aujourd’hui alors qu’elle n’a obtenu absolument aucun hommage de l’administration à la mémoire du défunt, la famille Tran Van continue de se battre et notre organisation continue de la soutenir. Ce qui a causé le plus de souffrance à la famille Tran Van c’est la brutalité avec laquelle les requêtes présentées par elles ont été écartées : récupération des effets personnels collectés directement par l’administration et remis dans un « carton », refus d’hommage dans les services du ministère, refus de dépôt de gerbe, refus d’organisation d’une enquête, refus de communication des pièces etc . Plusieurs membres de la famille sont parties à un recours juridictionnel contre l’Etat. La condamnation de l’Etat ne fait guère de doute devant les juridictions administratives : la jurisprudence du Conseil d’Etat sur l’exposition des agents à des risques psychosociaux est assez protectrice.
  • 3 novembre 2015, un nouveau décès à Bobigny Nous venons d’apprendre le décès de notre collègue Thierry Rougeot, vice-président au Tribunal de grande instance de Bobigny, nous avons une pensée pour ses proches , ses collègues et tous les personnels des juridictions ou il a été affecté.

L’ACTION DE FO-MAGISTRATS AUJOURD’HUI UN BILAN SATISFASANT

Le Syndicat Fo des magistrats travaille sous la direction d’expert internationaux sur les problématiques de souffrance au travail depuis plus de dix ans. A ce jour notre organisation est la seule à avoir obtenu des avancées concrètes sur la prise en charge de ces problématiques.

— UN ACCOMPAGNEMENT DES PERSONNELS PARTICULIEREMENT FAVORABLE

En février 2012 sur préconisation de Fo-Magistrats la Direction des services judiciaires a autorisé tout agent qui estime être exposé à des risques psychosociaux à pouvoir se présenter devant sa hiérarchie en présence d’un tiers choisi par lui. Cette circulaire n’a jamais été rapportée.

— UNE POLITIQUE ACTIVE DE PROTECTION DES PERSONNELS

Au mois de novembre 2014 notre organisation a obtenu la condamnation de l’absence de repos compensateur pour les membres du ministère public pour les juridictions du groupe II. Depuis, chaque semaine de travail de permanence donne droit dans la juridiction à un jour de congés spécifique au titre de la récupération.

— LE CONSTAT D’UNE EVOLUTION NOTABLE DES PRATIQUES

Le décès de notre collègue survenu ce jour à Bobigny a donné lieu à une visite de la Direction des services judiciaires sur place, la mise en place d’une cellule de soutien psychologique et la possibilité pour les personnels de parler de l’évènement et de se recueillir. C’est une avancée considérable par rapport aux situations antérieures. En revanche l’administration continue de « faire disparaître » immédiatement les notices personnelles de l’annuaire de la magistrature et n’organise encore aucune communication à la mémoire des magistrats. Il y a donc encore des progrès à faire.

— LA REVENDICATION POUR L’AVENIR : RESPONSABILISER LES GESTIONNAIRES

Notre organisation est la seule à soutenir activement dans le cadre de la réforme de la loi organique l’obligation d’évaluer les chefs de cour d’appels dans l’exercice de leur pouvoirs spécifiques (délivrance d’avertissement, évaluation des magistrats, attribution des postes de travail...). Il est en effet incompréhensible pour les magistrats, mais aussi pour les justiciables et plus largement pour les citoyens qu’une partie de la magistrature judiciaire soit soustraite à toute politique de validation des pouvoirs de sanction qu’elle est en mesure d’exercer contre les autres magistrats.

Depuis la mort de Philippe Tran Van plusieurs arrêts du Conseil d’Etat ont annulé des décisions illégales infligées à des magistrats. Certains auteurs de ces décisions illégales ont été promus dans des postes d’un rang hiérarchique plus élevé. Cette volonté d’éviter à la haute hiérarchie judiciaire d’avoir à répondre du moindre de ses actes ne fait que renforcer l’impression de caste et de privilège qu’une partie de l’opinion publique associe souvent au fonctionnement de l’autorité judiciaire. A l’heure ou le débat sur « la responsabilité » des magistrats est régulièrement relancé, il est tout à fait troublant que personne ne songe à se demander quels sont les tenants et les aboutissants exacts de cette notion de responsabilité et ce qu’elle recouvre réellement pour les plus gradés d’entre eux.

Philippe Tran Van serait-il mort si les autorités impliquées dans la gestion de sa situation avaient eu à rendre compte de leur action dans les termes ou les magistrats des cours et tribunaux sont régulièrement évalués ?

Pour notre part, nous pensons que la réponse institutionnelle aurait pu être fort différente.

Mais surtout, il est d’autant plus impossible de répondre à cette question que l’administration ne s’est jusqu’à présent jamais sérieusement donné les moyens de mettre en place une politique à même de saisir tous les aspects de la difficulté.

Pour les années à venir notre action consistera à travailler à mettre un terme à cette absence de cohérence.

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