Permanence : 01 44 32 54 63
Page LinkedIn
Unité Magistrats FO

Audition du 15 septembre 2015 : le CSM à l'épreuve de la loi

Flash info 23/09/2015

Audition du 15 septembre 2015 : le CSM à l'épreuve de la loi - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

Le 15 septembre 2015 à 16 heures 30 une délégation de notre organisation conduite par la secrétaire générale Béatrice Brugère à laquelle participait également Jean de Maillard a été reçue par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) à son siège de l’hôtel Moreau, près de l’Opéra de Paris. Cette audition a été l’occasion de présenter les valeurs qui fondent l’action du syndicat, de rappeler quelques principes fondamentaux du droit et d’en débattre avec les membres de cet organisme. A l’issue de cette réunion le CSM a accepté d’envisager la mise en place de réunions de travail régulières avec toutes les organisations syndicales de magistrats, et pas seulement avec celles qui y sont représentées. Nous ne pouvons qu’apprécier que cette question soit mise en débat, ne serait-ce que parce que le CSM n’est toujours pas l’organe représentatif de la profession.

CE QUE NOUS SOMMES

Le Syndicat national Force Ouvrière des magistrats est membre de la Confédération FO qui compte 500 000 membres et qui appartient à la Conférence internationale des syndicats qui regroupe 180 millions d’adhérents. Porteur des valeurs de la Charte d’Amiens qui recommande une stricte séparation du syndicalisme et du fait politique ou religieux, héritier des combats du XIX° siècle qui sont à la base de la protection sociale actuelle et de la lutte pour l’égalité des sexes, ainsi que de la Résistance, rattachée à une organisation fondée par un Prix Nobel de la Paix (Léon Jouhaud, 1946), le syndicat FO des Magistrats a exposé au CSM son respect fondamental de la Loi, et des Droits de l’Homme comme ciment de toute société évoluée. L’identité confédérale de notre organisation la relie à l’ensemble de la société civile et à toutes les professions publiques et privées, tous les acteurs sociaux, toutes les problématiques émergentes. Son approche est bien plus ancrée dans le réel que d’autres. Et à l’heure où certains dénigrent des valeurs aussi fondamentales que la place de la Loi dans la législation du travail, l’histoire à laquelle le syndicat est rattaché lui confère une légitimité et un poids que ne peuvent pas avoir des organisations beaucoup plus récentes et plus restreintes.

CE QUE NOUS PENSONS

Fidèles à la Loi, nous sommes toujours étonnés de voir que le CSM peut être amené à s’en écarter. C’est donc sur le terrain de la légalité, et singulièrement de la question de la saisine directe du CSM par les justiciables que nous avons axé principalement et concrètement nos développements. Nous ne prendrons qu’un exemple de nos interrogations procédurales :

La question de l’élection de domicile devant le CSM Les dispositions de la loi organique portant statut de la magistrature relatives à la directe du CSM prévoient que, pour être recevable, la plainte doit comporter une déclaration de l’adresse du justiciable. Or au moins une saisine dont le contenu a été publié dans la presse a autorisé la saisine du CSM après élection de domicile chez un avocat. Cela n’est prévu par aucun texte d’application et cela contrevient directement aux prescriptions de la loi organique. La question est loin d’être accessoire. Comment un magistrat qui s’estimerait diffamé par les termes d’une saisine, pour n’envisager que cet exemple, pourrait-il se défendre en l’absence de cet élément qui participe de l’identité du justiciable au sens de la loi organique ? Ce fait est d’autant plus troublant qu’il n’existe pas de voies juridiques permettant de contester une saisine du CSM avant l’examen de la cause au fond. Pour le Conseil d’État, comme pour le CSM, la requête n’est qu’un « élément d’information » du CSM destiné à lui permettre d’exercer son pouvoir souverain. La volonté du législateur organique de voir préciser strictement les éléments nécessaires à la recevabilité d’une requête est claire et a fait l’objet d’âpres débats devant le Parlement. Dès lors pourquoi le CSM ne les respecte-t-il pas ? Et pourquoi ni les membres de la précédente formation élus par le collège des magistrats n’ont-ils pas insisté et n’insistent-ils pas pour que la loi soit respectée ? Rappelons qu’en 2012 une décision du CSM a été cassée pour violation des droits de la défense et qu’il y a peu a été prononcée une peine selon nous illégale de rétrogradation sans mutation d’un conseiller de cour d’appel. Si d’autres voix étaient amenées à se faire entendre en son sein, le résultat des débats juridiques aurait peut-être une autre place et la défense de la profession pourrait au moins sur le plan juridique être mieux assurée.

La question de la représentativité du CSM

Cette question de l’efficacité de la représentation syndicale au sein du CSM doit selon nous être directement rattachée au mode de scrutin qui permet l’élection du CSM. Si nous sommes aujourd’hui globalement hostiles au renforcement des pouvoirs du CSM dans sa composition actuelle c’est parce qu’il ne s’agit pas d’un organe représentatif de la profession. Sa composition porte atteinte à un principe fondamental énoncé par le préambule de la Constitution de la IV République : le droit pour tout travailleur de participer au choix de ses représentants et de défendre ses conditions de travail par l’action syndicale. C’est d’ailleurs pour protester contre cette violation des principes fondamentaux que nous avons décidé de ne pas participer à un scrutin dont le résultat nous excluait par avance. Rappelons en effet que pour avoir un siège et être minoritaire, il faut obtenir 25% des voix. Dans les autres corps de la fonction publique de l’État (dont les greffes), le syndicat majoritaire a obtenu 33% des suffrages. De surcroît, l’organisation matérielle du scrutin, qui exige le déplacement de plus de 400 personnes à Paris, est exorbitant alors même que de nombreuses juridictions sont au bord du dépôt de bilan dès le mois de juin et que des centaines de journées de travail sont perdues alors même que les collègues sont surchargés de travail.

La question des « innovations » en matière de déontologie et d’avis

Contrairement à d’autres nous sommes fermement hostiles à ce que le CSM « innove » en matière déontologique, ou en matière de prise de position non sollicitée par le gouvernement tant que la question de sa représentativité et des bornes juridiques de son action ne sont pas tranchées.

S’agissant de la déontologie

Le CSM a tenté de mettre en place un organe consultatif sur cette question en dehors de tout texte législatif ou réglementaire l’y autorisant. Ce qui pose déjà un premier problème dans une République fondée sur le droit et la loi. Le CSM s’il est pour les magistrats du siège un tribunal disciplinaire souverain, n’est pas un état souverain, il ne décide pas de l’étendue de sa compétence ou de sa composition en dehors de ce que prévoit la loi. Le comble en la matière c’est qu’il était prévu que les « consultants » choisis en dehors de toute procédure démocratique existante, se seraient vus remboursés par le CSM de leurs frais de déplacement. Or, devant le CSM les collègues qui en assistent d’autres dans le cadre de leurs procédures disciplinaires, situation prévue par le statut de la magistrature, ne sont défrayés ni par la DSJ ni par le CSM, dont ils sont pourtant les auxiliaires en leur qualité de défenseurs. Profondément attachée à la question de la défense individuelle, notre organisation ne peut que s’étonner de cette injustifiable différence de traitement. Toute réflexion déontologique ne devrait-elle pas être précédée par l’instauration des garanties nécessaires aux droits fondamentaux de la défense et au premier chef au statut du défenseur ?

S’agissant des avis

Le CSM étant un organe de gestion des carrières et une juridiction disciplinaire, la fonction juridictionnelle devrait être séparée des autres, ce qui n’est pas le cas. Tant que cette séparation n’est pas actée, et que la composition du CSM n’en fait pas un organe représentatif, il est inconcevable que le CSM puisse prendre position de sa propre initiative sur des questions de fait ou droit. Ceux qui soutiennent le contraire estiment ni plus ni moins qu’il devrait disposer d’un véritable droit de remontrance comme les Parlements d’ancien régime. Une telle revendication, présentée sans qu’une réflexion d’ensemble ne soit conduite sur la place réelle du CSM dans la Constitution creusera encore plus le fossé qui sépare les magistrats de la société civile et achèvera de les enfermer dans une image passéiste et corporatiste, incongrue dans une démocratie moderne. Comment en effet imaginer que le CSM puisse juger après avoir rendu un avis sur une situation susceptible de lui être soumise ? Le CSM lui-même s’y est refusé lorsqu’il a été saisi dans l’affaire dite du « Mur des Cons », preuve qu’il convient d’user avec précaution et discernement de la faculté de donner son avis. A l’heure où les joutes politiques se font au couteau, il faut savoir être prudent et éviter toute instrumentalisation. Rien ne serait pire pour un justiciable que d’être pré-jugé dans le cadre d’un avis dont le CSM ne rendrait compte qu’à lui-même. Surtout lorsque l’on se souvient que le justiciable naturel du CSM est le magistrat.

CE QUE NOUS PROPOSONS

Les deux directions majeures : clarifier et simplifier

Largement inconnu des citoyens, le CSM est en plus une institution dont les missions et la composition sont incomparables avec ce qui se pratique dans la fonction publique mais aussi dans les ordres professionnels. La profession de magistrat ne peut pas continuer à avoir un organe représentatif dépourvu de pouvoir disciplinaire et un organe non représentatif chargé d’exercer cette mission. La fonction juridictionnelle du CSM doit être séparée des autres car c’est la seule manière d’assurer son impartialité objective au regard des dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme. La place de la société civile doit être affirmée, mais les magistrats a minima doivent être représentés à parité et la présidence doit leur revenir car un Conseil supérieur de la magistrature (qui n’est pas un conseil de justice) doit nécessairement être présidé par un magistrat, même non élu.

Ce qu’il est possible d’initier en changeant simplement de pratique :

  • La prise en charge des frais de déplacement pour les défenseurs. Aucun texte n’interdit au CSM d’inscrire cette charge au titre de son budget annuel.
  • La mise en place de réunions régulières avec les organisations syndicales visant à débattre de problèmes juridiques concrets tels que la procédure disciplinaire ou l’évolution des procédures de nomination. Nous sommes un des rares corps où l’absence de motivation est censée protéger l’agent. Pour notre organisation prendre des décisions non motivées c’est de l’arbitraire, pas du droit.
  • La possibilité pour les organisations syndicales d’adresser des contributions publiées avec le rapport annuel du CSM sur les thèmes abordés chaque année par celui-ci.

Revendications nécessitant des réformes :

  • Fusion du CSM et de la commission d’avancement, création d’un CSM paritaire de 40 membres obligatoirement présidé par un magistrat, mandat unique de 4 ans
  • Organisation d’instances disciplinaires clairement séparées au sein du CSM ne participant pas aux autres fonctions si ce n’est la rédaction de la partie disciplinaire du rapport
  • Organisation d’un double degré de juridiction : une chambre disciplinaire de première instance avec possibilité d’appel devant la formation plénière avec recours en cassation devant le Conseil d’État,
  • Mise en place d’un statut du défenseur disciplinaire
  • Motivation des décisions de nomination
  • Mise en place d’une procédure disciplinaire claire et cohérente comprenant notamment des voies de recours sur les incidents survenant en cours de procédure (suspensions, requêtes en investigation etc).

Dernières publications